Histoire de clochers

Hérépian : poules et lapins vont à l'église

Il y a deux églises dans ce village héraultais. L'une, désaffectée, date du XIIe siècle.Elle sert de basse-cour;

La propriétaire des lieux, Mme Reine Bonnet, 88 ans, n'a pas de souci à se faire: ses bêtes sont les mieux gardées du canton, du département et peut être même de France. Le Seigneur en personne veille sur elles , jour et nuit.

Il n'y a là aucun miracle, simplement quelques raisons historiques . Elles remontent au XIXe siècle. Las de l'antique bâtisse , un prêtre avait décidé de déplacer le lieu du culte de quelques dizaines de mètres . En 1840 , il rachetait une ancienne verrerie au centre du vieux village et lançait d'important travaux.

La nouvelle église fut consacrée en 1859, reçut son premier baptisé en 1870 et conserva le nom de Saint-Martial , évêque de Limoges au Moyen Age et grand prédicateur en Languedoc devant l' Eternel. A quelques pas de là, totalement délaissé, l'ancien clocher ne sonna plus les messes, renvoyé sans autre cérémonie à la vie civile.

 

 

 


 

 

 

 

Pour des moutons ....

 

 

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Bien embarrassée d'un tel "héritage", la mairie vendait le monument roman, comme bien public, à des particuliers. C'était en 1867 ;La famille Bonnet l'a acquise dans les années 1920 . Reine ne se souvient plus exactement les circontances : "Pôvre, c'est si loin ....je sais que ça été chez le notaire .Mes beaux parents l'ont achetée après la guerre..." Celle de 14-18 , bien sûr.

La vieille dame regarde , passive, de sa fenêtre qui donne sur la place.La mémoire revient, plus précise: " la famille de mon mari avait beaucoup de moutons.L'armée les a réquisitionnés pour nourrir les soldats du front.Après l'armistice, il y a eu des dédommagement.Avec l'argent qu'on leur a donné , les beaux-parents ont pu acquérir la maison où je vis et cette église.Pardon l'ancienne église."

Depuis Saint Martial s'est sans doute retourné plus d'une fois dans son paradis.Pensez:on a mis l'écurie et cheval dans le confessionnal, des cuves à vin ont été placées sous le chemin de Croix, le bois de l'hiver a été stocké dans la jolie tribune du XVIIe siècle, dite "en anse de panier".Bref, ces lieux jadis sacrés ont servi de remise agricole.


Les Bonnet n'ont rien détruit, ils ont simplement utilisé l'endroit – peu pratique il faut l'avouer – au mieux de leurs intérêts; Un jour, ils ont eu une grosse frayeur lorsqu'une dalle du choeur s'est un peu affaissée , découvrant des sépultures.On a bien vite refermé le trou, pour ne pas déranger les morts.Ils y sont toujours et ne semblent pas trop s'émouvoir de la vie menée par les mortels, au-dessus de leurs têtes.

Mamie Reine, elle non plus, n'a pas d'état d'âme. Ella a même un petit regard malicieux dans le regard, quand elle parle de tout ça. Les oeufs de ses poules sont extra et ses lapins méritent le label premier choix. C'est bien la preuve que le Créateur ne prends pas ombrage, saint Martial non plus.

Certes la bâtisse aurait besoin d'une sérieuse remise en état.Mais malgré toute sa bonne volonté, son désir de voir le monument restauré, l'un des fils de mamé Reine, Gilbert, n' a pas les moyens suffisants pour se lancer dans cette entreprise.Son frère Marcel non plus.

Et les pouvoirs publics , direz-vous ? Le maite d' Hérépian Jean-Marie Oustry, a fait visiter la « relique » par le directeur des affaires culturelles, en vain.Elle ne méritait pas d'être classée, paraît-il, malgré ses belles voutes décorées.Il n'y aura donc pas de querelle d'église à Hérépian.Une seule porte le titre officiel.L'autre, après sept siècles de bons et sacrés services, n'a même pas droit à la messe.

J.F ( midi libre 12 octobre 1988 )

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