Légende de Sainte Anne de Capimont

ou Le sarcophage de Joncels

d'après Henri Marc

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Dès que l'on débouche sur la petite place de Joncels en Languedoc, on aperçoit et non sans étonnement, encastré dans un pilier de soutènement des anciens remparts qui enclavent l'église, un sarcophage qui aussitôt arrête l'attention.

Pourquoi, ici , un pareil vestige funéraire et d'où sort-il ? Personne ne vous donne d'explication.On l'a trouvé ainsi, avec des ossements, enfoui dans un pré et on l'a mis là, simplement parce qu'il aurait fallu le mettre ailleurs.

Ceux qui restent indifférents aux gestesdu passén'insistent pas et se contentent des dires superficiels des indigènes joncellois.Mais, quelquefois, il arrive que certains s'intéressent aux légendes cévenoles et poussent plus loin leurs investigations.Voici ce qu'ils pourront apprendre au sujet du sarcophage, à la manière d'un conte de fées:

Il était une fois, une jeune bergère qui, aux gages du seigneur du Poujol, avait mission de garder ses moutons.Elle les gardait sur la montagne de Capimont, dans la vallée de l'Orb, assez loin de Joncels, inexistant à cette époque-là.Cette bergère s'appelait Anne de Mazelet.

Un beau jour, un chasseur, égaré à la poursuite de sangliers dans les bois touffus de l'Escandorgues, déboucha tout à coup par un sentier à flanc de falaise, sur le plateau de Capimont. Anne de Mazelet s'y trouvait ce jour-là avec ses moutons en filant sa quenouille.Son attention était si grande qu'elle n'aperçut le nouveau venu que lorsque celui-ci lui eut adressé la parole: « par saint Galamus, prisonnier des Romains, qui mourut dit-on sur cette montagne, à quoi pensez-vous donc gente demoiselle de filer ainsi la quenouille ? Quand on est jolie comme vous l'êtes, votre place serait plutôt dans un château à broder la soie des Cévennes, que sur ce mauvais chemin a filer du chanvre roui par les eaux rouges de l'Usclades. »

Les yeux bleus étrangement naïfs de la jeune bergère s'écarquillèrent aussitôt. Elle se mit à rire.D'un rire clair et incisif qui sonnait plus clair que le cristal de ses dents.Ce rire semblait dire au chasseur qu'elle voyait pour la première fois:

« Je fais ce que je dois et non autre chose.Je suis bergère et voilà tout. »

L'inconnu s'enhardit.

« Comment t'appelles-tu fillette? Toi dont les grands yeux bleus sont plus bleus que le ciel et dont le rire est plus cristallin que les cascatelles de l'Orb roulant les eaux vives sur les galets de quartz ambre de la montagne ?